Fondée en 1977 par Jacques Aglaghanian, la société Japell est une entreprise familiale, devenue en une seule génération, le fleuron français de l’ennoblissement du papier.
Décryptage.

 

 

 

 

« Japell, c’est Jacques pelliculage » souligne Jean-Baptiste Aglaghanian, le fils de Jacques. Jacques, le fondateur, a aujourd’hui près de 95 ans, et pourtant les murs de Japell Hanser SAG portent l’écho de sa voix et de sa présence. Ce n’est pas toujours facile d’endosser le pilotage de deux sites industriels après la présence si charismatique du père fondateur. Un charisme partagé de père en fils.

Jacques Aglaghanian crée Japell en 1977, il a alors 50 ans et une expérience solide dans le domaine du cartonnage. Il sort d’expériences difficiles en qualité de dirigeant d’une entreprise de façonnage et de cartonnage. L’homme ressent un besoin de renouveau, de projets neufs, de nouveaux challenges.
Le secteur de l’imprimerie traverse des années exceptionnelles de développement. La société Japell se développe avec une certaine croissance chaque année, une évolution à donner le vertige au regard de la situation économique tendue que traverse le secteur depuis 2010. De formation ingénieur arts et métiers, Jacques est ce que l’on nomme communément un « touche à tout ».

« Mon père a inventé ses outils de production à partir de machines achetées sur le marché de l’occasion. Cela prenait un temps fou à mettre au point. Cela ne fonctionnait pas toujours bien, mais cela répondait à sa passion », souligne en souriant Jean-Baptiste.

Dans le secteur de l’imprimerie, on compte différents métiers complémentaires, Jacques choisit le pelliculage.
Il a une bonne connaissance de cette étape de la chaine graphique qui est en plein développement à l’aube des années 80. Les machines n’existent pas encore avec la performance et la précision que nous leurs connaissons aujourd’hui. Les inventions de Jacques, fruits de son imaginaire et de son expérience, apporteront des réponses… et aussi des déboires durant dix ans !
En effet, rien n’est automatisé, il est alors nécessaire de prévoir deux à trois ouvriers pour passer les feuilles à la main dans la presse, puis les découper toujours manuellement !
À cette période, la société Japell est installée à Pussay en Essonne et occupe 15 salariés en moyenne.

Jean-Baptiste Aglaghanian, le fils de Jacques, rejoint la société familiale en 1987. Il prend la direction des deux sites en 2020. Jean-Baptiste a une formation commerce et marketing, il occupe un poste de commercial dans une compagnie de transport de dimension internationale avant de rejoindre le projet de Jacques.

Peu à peu, la société familiale se diversifie en intégrant des métiers complémentaires. Elle est toujours positionnée sur l’ennoblissement des papiers. L’imprimerie de Pussay intègre les métiers du rainage, du vernissage et de la sérigraphie et crée un service de transport dédié aux projets de l’entreprise. L’effectif passe de 15 à 60 salariés, avec une croissance continue.

Jean-Baptiste Aglaghanian prend la direction marketing et communication de l’entreprise Japell dès 1990.

Il développe une vision unique sur le marché français en créant le BOOK. Un livre épais, créatif, généreux, coloré, brillant, composé de toutes les références délivrées par l’entreprise. Les agences de communication, les annonceurs, les chefs de fabrication, les écoles de graphisme et de design en font leur ouvrage de référence aux cotés des échantillons des papetiers. À cette époque, l’ouvrage est imprimé en partenariat avec Antalis, premier partenaire à croire en cette vision et à la soutenir, puis il sera édité avec le soutien de Fedrigoni, et enfin de Lecta, un papetier ibérique. Ces trois importants partenariats sont toujours de belles expériences et de beaux supports de communication pour les deux partenaires, le papetier et l’imprimeur.

L’année 2003 marque un tournant dans le parcours de l’entreprise par le rachat du site de production, Hanser & SAG, localisé dans la zone industrielle de Bonneuil-sur-Marne.

Un site directement accessible depuis la ligne A du RER, à 30 minutes de la station Châtelet et à deux pas du pôle économique de Marne-La-Vallée.

De ces acquisitions naitra l’offre Japell-Hanser-SAG.
Les deux sites de production, celui de la maison mère à Pussay et celui de Bonneuil-sur-Marne, couvrent maintenant l’ensemble des métiers de l’ennoblissement. Jacques et Jean-Baptiste Aglaghanian peaufinent leur savoir-faire dans les spécialités du pelliculage, du vernissage, de la sérigraphie, du marquage à chaud, du gaufrage et du façonnage.
Un service de transport et de livraison s’ajoute à ce dispositif pour offrir une importante agilité entre les deux sites industriels, et dans la mise à disposition de services ultra rapides et personnalisés auprès des clients.

Le groupe réalise à cette période un chiffre d’affaires d’environ 12 millions d’euros et emploie 120 salariés sur les deux sites. Le projet est en pleine croissance et hisse directement la société Japell sur le marché de la création et de la production de luxe auprès de clients très variés allant des agences de communication, aux marques de luxe, en passant par les imprimeurs et les éditeurs.

« Avec le recul, je me dis que nous étions devenus totalement boulimique ! » confie Jean-Baptiste Aglaghanian.

Hanser nous a permis de compléter notre offre sur les métiers de la dorure, du gaufrage et de la découpe avec éjection, tandis que le rachat de SAG, en 2007, nous positionnera sur le vernis réservé, mat – brillant, et le métier très artisanal de la sérigraphie.
Nous comptons certainement la meilleure équipe de sérigraphes en France.
Ces artisans apportent des solutions sur-mesure, avec une importante sensibilité aux matières et au rendu des couleurs. Un métier rare et pointu dont nous sommes très fiers.

Lors de la visite du site de Bonneuil-sur-Marne, l’artisan sérigraphe, Franck Margerie, met au point le tirage des pochettes du vinyle 33T du très médiatisé rappeur belge Damso.

Comment s’est déroulée la période du confinement ?

Juste avant le confinement, nous avions imaginé un projet de cession avec Agis. Ce fût un échec. La société Hanser ne se portait pas bien, le parc machines était vieillissant. Les conditions du rachat n’étaient pas optimales.
À l’annonce du confinement pour raisons sanitaires, nous avons mis Japell en mode statut quo. Nous avons pris du recul et avons observé et analysé notre projet sous d’autres angles. Nous avons pris le temps.
Grâce au PGE proposé par l’état, nous avons entamé la réflexion que nous aurions dû avoir bien avant d’être au pied du mur.

« Finalement, le temps de penser le projet nous a sauvés ! Il a permis d’aligner les visions de mon père Jacques et les miennes ! » souligne amusé Jean-Baptiste.

Nous avons mis à profit cette parenthèse des activités pour repenser l’organisation globale du groupe. Faisant appel à un consultant spécialiste de l’analyse systémique des organisations, Adrien Stratégie, nous avons, ensemble, fait un inventaire précis du parc machines, des métiers et des capacités de chacun de nos artisans. Un audit complet qui a duré sur plusieurs mois.

Le constat est frappant : nos deux pôles d’activités proposent les mêmes métiers et se font parfois concurrence ! Des postes tels que la logistique, la comptabilité, le sourcing font doublon !
Nous décidons avec le comité de pilotage et l’interne de regrouper ces postes et de simplifier l’organisation. Cette évolution se fait avec la complicité des collaborateurs et les conseils avisés de celles et de ceux qui vivent au quotidien sur les sites. Il faut absolument l’adhésion de tous pour apporter de tels changements au sein d’une entreprise.
Certains salariés ont accepté de modifier leur mode de vie en s’adaptant au site de Bonneuil-sur-Marne alors qu’ils étaient historiquement rattachés au site de Pussay. Nous les en remercions sincèrement, la capacité de s’adapter fait appel à beaucoup d’agilité et de résilience.

Aujourd’hui, chaque site est spécialisé en fonction de ses métiers historiques.
Nous avons arrêté, par exemple, l’offre de pelliculage à Hanser & SAG (site de Bonneuil) pour le regrouper avec celui du site de la maison mère à Pussay.

 

Comment développez-vous le marché du luxe ?

Notre offre répond parfaitement aux attentes du luxe français qui est exigeant et qui s’exporte très bien à l’International. Ce marché crée de la valeur en créant de l’émotion, des sensations, des rapports très tactiles et très visuels avec les textures.

Le produit final prolonge significativement l’image et les émotions que les Maisons souhaitent véhiculer.
Sensibles à cette lame de fond, nous avions renforcé notre équipement de dorure dès 2021 pour répondre aux attentes du marché du luxe, de nos confrères imprimeurs et éditeurs qui nous confient leurs supports pour l’ennoblissement.

La clientèle du groupe est composée à 60% d’imprimeurs, 15% d’éditeurs et 15% de sociétés de PLV et de cartonniers qui intègrent la dorure à leurs impressions. Les prestations luxueuses sont très recherchées et très tendances. Notre parc machine répond à ces attentes, tout en offrant la proximité, notre zone de production se situe à la lisière de Paris.
Nous traitons une large gamme de grammage de 100 à 1 000 g / m2 offrant d’importantes possibilités de transformation et réalisons aussi de la dorure galbée, c’est-à-dire la dorure et le gaufrage en même temps.

Nous aimons étudier et accompagner la petite série et proposer un projet singulier et unique. C’est notre valeur ajoutée. Toujours avec cette quête de qualité et d’exclusivité, qui est la signature de l’entreprise.

 

Qui sont vos clients dans ce secteur très prisé et relativement niche ?

Actuellement, parmi nos clients « niche », nous comptons des musées, des artistes, des galeries, des graphistes, des agences conseil en communication, des éditeurs parisiens, des chefs de fabrication… et aussi des maisons de luxe qui nous contactent directement pour étudier des projets à forte valeur ajoutée. Nous accompagnons beaucoup ces clients en amont et faisons des tirages d’essai, des prototypes, des mises au point pour donner à voir et à valider un produit fi ni. La tendance actuelle est de recentrer les activités de fabrication en France, voire en Île-de-France. On observe dans les cahiers des charges transmis un réel engouement et un réel engagement pour le made in France et le suivi opérationnel des projets sur site, par les équipes.

 

Entretien réalisé en septembre 2023