Jean-Eudes Du Mesnil Du Buisson – Secrétaire Général de la CPME

 

 

« Nous représentons les intérêts collectifs de la plus grande force de frappe économique de notre pays ».

La C.P.M.E (la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises) défend les intérêts des T.P.E et P.M.E françaises. La réussite de ces structures, qui représentent 99% des entreprises du tissu économique et social du territoire français, est une condition majeure de la croissance de notre pays. Présidée par un dirigeant de PME, Monsieur François Asselin, la C.P.M.E est l’organisation patronale des petites et moyennes entreprises, tous secteurs confondus : industrie, services, commerce, artisanat et professions libérales. Partenaire social clef, la Confédération les représente dans les négociations paritaires et auprès des pouvoirs publics, en France et à l’international.

La CPME s’appuie sur un  réseau de 200 fédérations et syndicats de métiers dont le GMI (Groupement des Métiers de l’Impression et de la Communication) pour la filière Imprimerie ainsi que 117 unions territoriales. La Confédération des PME est implantée dans tous les départements et régions, y compris dans les départements et les territoires d’outre-mer. La CPME dispose d’un bureau à Bruxelles. Elle se mobilise pour faire entendre son point de vue auprès des représentants de l’Union européenne. Au niveau international, elle coordonne une démarche d’export pour les entreprises.

Le GMI donne la parole à Jean Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général de la CPME.

 

Vous êtes le secrétaire général de la CPME depuis 2004, pouvez-vous nous décrire votre parcours professionnel ?

Après des études de Droit et de Ressources Humaines à la faculté de Paris Dauphine, j’ai travaillé dans une société d’électronique en qualité de responsable des ressources humaines. J’y ai fait mes premières armes avant de rejoindre ce qui était à l’époque l’union patronale de la région IDF pour suivre et coordonner l’action des représentants des employeurs au sein des instances paritaires telles que l’U.R.S.S.A.F, le Conseil des Prud’hommes ou encore la Sécurité Sociale, avant d’en être nommé délégué général . Il s’agit là du monde réel où l’on touche du doigt ce qui fait la réalité des entreprises. C’est une expérience très enrichissante sur le plan humain. J’ai poursuivi mon chemin au sein du Conseil Supérieur de l’Administration de Biens en qualité de délégué général avant de prendre le poste de secrétaire général de PROCILIA, une organisation paritaire, salariés / employeurs, positionnée sur le secteur du logement social.

En 2004, j’ai rejoint la C.G.P.M.E, qui est devenue depuis la C.P.M.E (la Confédération des petites et moyennes entreprises) en tant que Secrétaire Général national.

 

Pourriez-vous me décrire le rôle de la C.P.M.E ?

La C.P.M.E agit au cœur des sujets économiques, politiques et sociaux pour défendre et promouvoir l’intérêt des Petites et Moyennes Entreprises. Elle soutient les dirigeants tant sur le plan individuel que collectif tant au niveau national que local. Par exemple, elle participe aux débats sur des questions de fonds comme la réforme de l’assurance chômage ou celle des retraites.

La C.P.M.E joue un rôle politique dans la mesure où elle peut apporter un regard argumenté sur un débat et sur des décisions politiques en faisant entendre la réalité des entreprises. Elle intervient donc sur le champs politique…sans faire de politique et c’est tout le paradoxe. En revanche, elle peut et doit alerter sur les situations que vivent au quotidien les dirigeants de Petites et Moyennes Entreprises.

 

Pour faire face à une reprise économique qui semble bien réelle mais encore fragile, quel sont les particularités et atouts des PME ?

Les Petites et Moyennes Entreprises sont essentiellement des entreprises patrimoniales. Les dirigeants, propriétaires, sont directement impliqués dans la vie et le développement de leur entreprise. C’est un projet de vie. Ils sont directement impliqués dans le tissu local – géographique et social – de leur entreprise. Ils ont aussi une forte implication dans le monde associatif. Ils ont choisi cet environnement et y dédient leur temps et leur vision. Ce qui est très différent de la structure multinationale, qui depuis un siège social, calibre ses projets de région en région, ou de ville en ville, avec en ligne de mire prioritaire la rentabilité du capital investi.

Au sein de la PME, le patron, lui, cultive un lien particulier, personnalisé, avec ses salariés. Il prend les décisions et les assume sur son patrimoine personnel. Les français ne s’y trompent pas: un sondage récent auprès de l’opinion publique, au sujet de l’attachement et de la popularité des institutions , montre que la P.M.E se situe en seconde position derrière les maires et juste devant l’Hôpital ! Ce sondage montre le lien très fort que les français entretiennent avec le monde de la Petite et Moyenne Entreprise.

 

Comment analysez-vous la période Covid ?

La période Covid est une période sans précédent et sans comparaison possible, dans l’histoire des entreprises. L’Etat français qui a mis l’économie sur le mode « pause » a ensuite apporté une aide massive aux entreprises via les PGE, le fonds de solidarité et les reports de charges mais aussi via le chômage partiel des salariés. De cette situation est né un paradoxe : en 2020, la croissance connaît un recul de 8%, alors que le pouvoir d’achat augmente de 0,4%. Le soutien aux entreprises et aux ménages se traduit par une diminution du nombre de défaillances des entreprises. Avant le Covid, on enregistre en moyenne près de 50 000 faillites par an, alors que durant la crise, on comptabilise 25 000 défaillances. Soit 50% de moins. Cette différence est directement liée aux aides, en particulier au P.G.E qui a été très largement souscrit par les Petites et Moyennes Entreprises. L’économie a donc largement été soutenue par l’état français. Le P.G.E a permis aux entreprises de garder la tête hors de l’eau, mais pour combien de temps ? Il s’agit d’emprunts qu’il faudra un jour rembourser. Pour ce faire il faudra dégager du chiffre d’affaires. C’est pourquoi, la C.P.M.E négocie actuellement des délais de remboursement plus longs. Nous essayons de négocier un délai de remboursement sur une échéance au delà de six ans, tout en maintenant des taux d’intérêt faibles.

 

Quels secteurs d’activités, selon vos études, sont les plus fragilisés ?

Depuis la sortie de la crise du Covid, nous observons une reprise économique très nette et très forte. C’est globalement très encourageant. Cependant, certains secteurs restent très fragiles : l’habillement et le textile sont en grande difficulté. Les problèmes identifiés avant la période Covid se sont amplifiés.

Le secteur de l’évènementiel (spectacles, cinéma, festivités) est lui aussi en grande difficulté. Les usages ont changé et l’obligation de présenter le passe sanitaire a été une contrainte supplémentaire.

 

Comment se traduit ce regain de confiance dans la reprise économique : nouveaux investissements, recrutements, mise en place de nouvelles démarches, RSE ?

Les démarches R.S.E (Responsabilité Sociétale des Entreprises) se multiplient dans les entreprises. La C.P.M.E soutient la mise en œuvre de telles démarches qui doivent rester volontaires. Cela ne peut passer que par l’évolution de la culture d’entreprise. Les consommateurs le réclament. Les entreprises doivent être à l’écoute de leurs clients sans quoi, à terme, elles les perdront. L’entreprise doit impérativement apporter des solutions.

Mais elles doivent être compatibles avec les exigences permettant de créer de la croissance économique. Sans quoi c’est l’ensemble de la société qui y perdra. Prenons l’exemple des artisans qui interviennent en ville, la création de « zone de transit » , de ZFE ou de « zone à trafic limité » sont très pénalisantes pour accéder aux chantiers. Que fera t-on demain lorsque les entreprises refuseront d’aller au cœur des métropoles ? Il faut donner du temps aux entreprises pour s’adapter et leur offrir des alternatives technologiques pour se passer des énergies fossiles. Comment, par exemple, se passer d’un marteau piqueur, par exemple ? Les équipements de substitution électriques n’existent pas encore ! La mutation sera longue et coûteuse pour de nombreux secteurs et métiers.

 

La croissance certes, mais avec quelle main d’œuvre ?

Nous observons une importante pénurie de main d’œuvre qualifiée, dans de nombreux métiers. Les métiers de l’édition et de l’imprimerie sont en particulier confrontés à cette problématique. C’est aujourd’hui la préoccupation majeure des entrepreneurs, alors même que notre pays compte plusieurs millions de demandeurs d’emplois indemnisés. On le voit il y a là quelque chose qui ne tourne pas rond.

Par ailleurs, la hausse importante des tarifs de l’énergie et du prix des matières premières n’est pas sans conséquence. L’économie est certes relancée mais les conditions diffèrent de celles d’avant la crise liée au Covid.

 

Quels sont les principaux enseignements à retenir de cette crise économique et sociale causée par cette pandémie inédite ?

Le premier enseignement est que nous avons beaucoup de chance de vivre en France ! Les aides de l’état français ont été réellement significatives mais pour la plupart il s’agit de prêts remboursables ! Cette dette aura des conséquences pour les entreprises certes mais elle impactera durablement les finances publiques.

Par ailleurs la crise que nous avons traversée a accéléré : le télétravail, la digitalisation et bouleversé les relations sociales. Le travail indépendant a évolué et aujourd’hui un entrepreneur sur 2 choisit le statut de micro entrepreneur.

Autre enjeu pour les entreprises: se « détoxifier » de l’aide de l’état et de son immixtion dans la gestion de leur société. Il leur faut rompre avec le tropisme de l’administration de s’immiscer dans l’entreprise. C’est à l’entrepreneur de gérer les risques et de prendre les décisions adaptées.

En conclusion, nous représentons les intérêts collectifs de la plus grande force de frappe économique de notre pays. Tout le monde doit en avoir conscience. La culture PME doit irriguer la décision politique. Ce sera l’un des enjeux de la prochaine élection présidentielle. Et il reste beaucoup à faire pour y parvenir.

Jean-Eudes du Mesnil du Buisson. Paris. 28 septembre 2021.