Gilbert Caron

 

Gilbert Caron m’accueille dans son bureau au mobilier de style, un faisceau de soleil vif traverse la pièce habillée par les nombreux ouvrages qu’il a produits; sur les étagères de la bibliothèque les témoignages en photos de ses proches, sur les murs aux patines italiennes, une œuvre de Jérôme Mesnager. La force est ici. Partager ce moment avec Gilbert Caron est précieux, nous parcourons l’histoire familiale et par la même occasion l’histoire du métier. J’entraperçois à travers son expérience ce qu’on entend par le mot «vision».

 

 

Gilbert Caron est l’héritier d’une famille d’entrepreneurs, de ceux qui tentent et qui existent. A la veille de la grande guerre et après, son grand-père était président du Syndicat des commerçants non sédentaires «les gens du marché», il a créé un journal pour organiser cette profession. En créant ce journal, il devient imprimeur en rachetant le matériel de son fournisseur. Son fils René lui succède en 49. La société « Les Marchés de France, imprimerie » se développe mieux que le Journal du Syndicat, qu’il finit par abandonner. L’imprimerie compte 150 personnes en 1976, lors du décès de son père.

 

Pourriez-vous nous parler de votre chemin personnel dans le métier ? 

 

J’ai 26 ans au décès de mon père, je reprends l’entreprise avec ma mère, qui en est la présidente. Le secteur est alors très complexe, l’impact des syndicats est très important sur l’organisation du travail et les processus de décision. Nous cédons l’entreprise familiale en 1983.

De 1983 à 1992, avec mon frère Frédéric, nous développons trois sociétés dans le secteur de l’imprimerie. Nous devenons spécialistes sur trois métiers : la compogravure, le brochage-routage, et l’impression sur rotative sans sécheur. Notre entreprise atteint une vitesse de croisière avec 250 salariés répartis sur trois sites localisés en région parisienne. Ce projet est déstabilisé puis fragilisé par l’arrivée de la PAO. L’impact de cette innovation est très impres- sionnant, de 90 personnes en 1992, nous sommes 3 salariés aujourd’hui.

Vous vivez, pour la seconde fois de votre vie professionnelle, une situation très déstabilisante, comment voyez-vous votre avenir à ce moment-là ?

 

Nous sommes en 1992, c’est l’Europe. Je crois que «L’union fait la force». Je décide de me rapprocher, et de céder nos entreprises à un très gros imprimeur dans la même activité. Ce qui fera de ce groupe le deuxième imprimeur de France avec plus de 800 personnes.

Mais je m’aperçois très vite que la taille de cette entreprise ne correspond pas à mes attentes, et je préfère quitter ce projet près de deux ans plus tard.

Vous repartez à zéro, comment pensez-vous rebondir ?

 

Depuis l’été 1994, j’avais pris ma décision de quitter cette situation trop oppressante. Je crée une nouvelle société à partir de 50.000 francs soit aujourd’hui 7.500 euros Un ami que j’avais aidé dans le passé, et qui déménageait pour s’installer dans un local neuf, me laisse gratuitement une très vieille rotative ‘’GAZETTE CREUSOT LOIRE ‘’ qu’il voulait mettre à la casse, et me cède son droit au bail. Je me dis «que dans toute mauvaise chose, il en ressort du positif» (dicton chinois).

Je décide de me consacrer à l’impression de supports de communication et de propagande pour les campagnes électorales

 

Autour du Guide de l’Opposition de Patrick Buisson, je fais la rencontre de Jimmy Goldsmith, homme d’affaires britannique impliqué dans les élections européennes (NDLR : Cet eurosceptique de choc revisité par l’écologie s’était fait élire sur la liste de Philippe de Villiers aux élections européennes de juin 1994).

Pour la campagne européenne, ils me demandent d’éditer un journal à 1 million d’exemplaires, puis à 10 millions, et enfin à 28 millions !

 

Nous parvenons à le publier et à le diffuser sur le territoire national !

La liste emmenée par Philippe de Villiers fait un très bon score aux européennes en arrivant devant celle du R.P.R de Nicolas SARKOZY. Depuis, nous accompagnons tous les partis politiques et les syndicats pour mener leur campagne. Nous intervenons depuis la maquette, l’impression, le façonnage, la diffusion, le routage, le transport et même l’affichage !

Comment parvenez-vous à satisfaire tout le monde lors des campagnes ?

 

Nous avons monté un réseau national de sous-trai- tants pour notre société France Affichage Plus, avec 620 afficheurs nous pouvons couvrir l’ensemble de la Métropole pouvant ainsi apposer environ 2 700 000 affiches en deux semaines.

L’union fait la force !

Nous organisons les commandes, les projets, puis nous déléguons selon un processus fiabilisé E-procurement. L’organisation globale s’articule autour d’une société leader qui gère l’image et la valeur ajoutée.

Votre parcours est intéressant, accepteriez-vous de partager quelques secrets ?

 

Dans notre société de «zapping», il est indispensable d’être très réactif et toujours en veille pour gagner en plus-value sur les projets.

 

Je crains que l’imprimeur traditionnel ne soit voué à mourir. Hélas. Il faut savoir saisir les opportunités et apprendre de ses échecs. Nos échecs nous font progresser. Nous sommes imprimeurs et nous sommes aussi éditeurs. Tout est intégré.

 

J’ai aussi créé des magazines pour les clubs sportifs : 100% P.S.G, «Le Guide Officiel du Rugby», «L’Officiel du Foot», «Le carnet du supporter», «Hand Action», les programmes de match pour les ligues de Basketball et de Handball, ces éditions sous contrat de licence sont vendues sur abonnement auprès des licenciés.

 

En 1994, j’ai lancé en France le premier journal de rue, « Le Lampadaire » actuellement dénommé « L’Itinérant », un journal d’actions sociales. Ces magazines pour les sans-abris et les sans domicile fixe et leurs suppléments sont distribués par environ 400 vendeurs en France. Lors du lancement, cette formule s’est vendue à 75 000 ex. On assiste à la chute du concept dans les années 2001. Je pour- suis ces publications et les suppléments : «Au fil des lignes du Métro» (tirage un million d’exemplaires), «VOLTAIRE traité sur la tolérance» (100.000 ex), et le «Paris secret» qui s’est déjà vendu à 100 000 ex. depuis septembre 2015, au tarif de 2 euros, dont 60 centimes pour le vendeur.

 

En 2001, j’ai le déclic : l’avenir c’est internet ! Dès 2005, je crée le site l’itinérant.fr, c’est puissant et réactif internet. Les webmasters sont intégrés à l’équipe des chefs de fabrication et chefs de projets. Nous créons de nouveaux projets, je me suis par exemple diversifié dans la publication des annonces officielles légales : nous avons traité 26.000 annonces en 2018. Parallèlement à ces activités, je m’implique dans des projets à caractère collectif, par conviction profonde. Par exemple, j’ai activé le processus d’élaboration de l’action Print Environnement® parce qu’il est vital que tous les imprimeurs s’engagent dans une démarche environnementale.

 

L’internet progresse chaque année. Pour vous donner une idée, notre chiffre d’affaires a progressé de plus de 19% en 2018 par rapport à 2017, et en ce début d’année nous sommes à plus de 21%

 

N’hésitons pas à tendre la main et à rester éveillés aux innovations, c’est stimulant !

 

Gilbert CARON

PRÉSIDENT DE PRINT FRANCE OFFSET ET MEMBRE DU GMI