Olivier Caratgé – Directeur Général AGM Relieur

 

« La société s’inscrit dans le patrimoine national, offrant un large prisme de réalisations de reliure made in France ».

 La Ste AGM a été fondée par Serge Laski, en 1966, à Forges-Les-Eaux (76). Elle est spécialisée dans la reliure d’ouvrages avec des couvertures cartonnées : bandes dessinées, livres d’art, livres liés à des actions événementielles, catalogues d’exposition. Depuis plus de cinquante ans, nous accompagnons les éditeurs et les imprimeurs non équipés de machines pour relier les ouvrages. Entre 1974 et 2004, A.G.M appartient au groupe Hachette qui lui confie la reliure de collections telles que les guides Michelin, la collection de la Sélection du Reader Digest,… Aujourd’hui, la société s’inscrit dans le patrimoine national, offrant un large prisme de réalisations de reliure made in France.

Le GMI donne la parole à Olivier Caratgé, Directeur général de la société AGM, relieur.

 

Parlez-nous de votre métier, la reliure :

 

Le métier de relieur consiste à relier des ouvrages, c’est-à-dire à assembler et à finaliser les travaux d’impression produits par l’imprimeur. Notre société est l’une des dernières en France à réaliser de la reliure. Nous accompagnons les imprimeurs et les éditeurs, sur des projets, au cahier des charges allant de la plus simple aux plus complexes des finitions. Nous délivrons un produit fini, à haute valeur ajoutée.

Maillon final d’un processus complexe, nous sommes directement exposés à la réception qualitative du produit fini.

Nous collaborons avec des imprimeurs en France et en Belgique. En France, nous touchons l’ensemble du territoire La société comprend trente collaborateurs dont la main-d’œuvre est hautement qualifiée. Nous avons accompagné vingt-huit départs en retraite, entre 2017 et 2021. Autrement dit, nous avons dû renouveler l’ensemble de l’équipe sur une période très courte. Une étape clé dans la vie de notre entreprise. Outre le renouvellement des techniciens, le recrutement s’est avéré complexe. En effet, il n’existe pas de formation pour le métier de relieur, notamment pour les conducteurs de chaînes d’emboîtage et de couverturières ! Le recrutement aujourd’hui est plus complexe par les attentes du personnel: les jeunes sont plus volatils, moins patients et plus exigeants en matière de salaire d’entrée de carrière. Sans compter que ce métier doit plaire : pour obtenir la qualité irréprochable que nous exigeons de la part de nos équipes, le technicien doit se passionner pour ce qu’il fait. Dans la région de Forges-Les-Eaux, nous avons la chance de recruter du personnel moins volatil qu’en région Ile-de-France. Cette période de départ à la retraite a explicitement exposé l’entreprise à la difficulté de former des opérateurs à l’aide des techniciens présents : la transmission du savoir n’est pas donnée à tout le monde. Cela a parfois été très difficile.

Notre entreprise réalise la reliure pour de nombreux imprimeurs. Notre prestation de reliure dans la chaîne de valeur du livre est faible environ 5% du prix de vente ! La réalisation de livres reliés est très concurrentielle : les éditeurs interrogent de nombreux imprimeurs pour optimiser leur sourcing et la marge. Ils consultent en Espagne, en Italie et dans les pays de l’est de l ‘Europe, et parfois en Chine. Nous intervenons derrière les imprimeurs français…. Le business model est délicat, cependant notre savoir-faire et notre équipement nous permettent de répondre à toutes les demandes. La question d’optimisation des coûts est très souvent au cœur de la relation alors que nous offrons du beau et du noble, pour que le produit fini soit valorisant pour l’imprimeur et l’agence qui conseillent le client final.

Chez A.G.M, nous maintenons l’activité de relieur haut de gamme couvrant l’ensemble des attentes de nos clients et partenaires imprimeurs. Grâce à notre collaboration, les imprimeurs peuvent répondre à leurs clients réguliers sur un produit relié. Notre présence permet à nos clients imprimeurs de conserver beaucoup d’autres produits en « print » en interne. Nous apportons des solutions permettant aux imprimeurs et aux agences de maintenir de bonnes relations avec leurs clients finaux. Nous sommes tous liés par un projet commun.

Nous investissons en formation afin de disposer de « doublons » sur les machines : deux personnes hautement qualifiées sont toujours disponibles pour conduire une chaîne de production. Nous avons reçu des aides à la formation via les O.P.C.A, mais pas pour les postes en ateliers. Nous avons aussi été soutenus par l’A.F.P.R et Pôle Emploi via les contrats de professionnalisation pour les jeunes (370 heures de formation sont prises en charge). Cette formation ouvre au contrat en C.D.I. Nous travaillons aux horaires de la journée et parfois en 2 X 8 pour répondre aux flux tendus des commandes et du marché.

Notre chiffre d’affaires est généré à hauteur de 70% par les commandes des imprimeurs, 20% sur le marché de la papeterie, et 10% par les éditeurs qui nous contactent en direct

 

Quel est votre parcours ?

 

De formation ingénieur ICAM, complétée par un mastère à HEC. Je débute mon parcours professionnel en 2001, en qualité d’ingénieur chargé de mission industrielle dans le groupe CPI. Puis, je rejoins la société Qualibris, au poste de directeur adjoint de site, entre 2005 et 2010.
J’étais dans l’entreprise A.G.M depuis un an en qualité de directeur, quand le président du Groupe Qualibris a décidé de se séparer de cette activité, dans le cadre d’une réorganisation du Groupe.

J’ai repris la société A.G.M en 2012 : l’opportunité de mettre à mon compte sur une activité passionnante. Lors de cette reprise, j’ai pu maintenir les emplois de 35 des 43 salariés que comptait l’entreprise. J’ai orienté la stratégie vers d’autres produits. Je me suis concentré sur le commercial, l’innovation et le positionnement des commandes sur des quantités plus importantes

Aujourd’hui l’entreprise A.G.M est l’une des dernières entreprises de reliure en France. Nous sommes très fiers du travail accompli, de la transition que nous avons dû opérer ces dernières années, notamment avec le changement de 28 personnes !

 

Comment analysez-vous la période Covid ?


La crise du Covid est une nouvelle expérience, nous avons perdu 40% du chiffre d’affaires en 2020 ! Arrêt net et brutal des machines dès le premier confinement. Une période très difficile pour un relieur indépendant qui travaille essentiellement sur des produits culturels : livre d’art, catalogues, édition d’ouvrages touristiques et/ou liés à l’évènementiel.
Globalement, l’édition a paradoxalement été peu touchée : les consommateurs ont fait le tour du digital. Lassés de l’immatérialité, l’édition a sorti son épingle de la situation en proposant des ouvrages de qualité, des beaux papiers… Malheureusement, nous travaillons assez peu pour l’édition.
Au début de la pandémie, nous avons fait appel aux aides pour la mise en place du chômage partiel. L’usine est restée ouverte. Les salariés sont venus, nous avons traversé cette situation et progressé ensemble.
J’ai aussi fait la demande d’un P.G.E. Malgré la chute de CA de 40%, nous avons réussi à équilibrer. On a même amélioré le résultat par rapport à 2019 !

L’enseignement de cette crise est que nous devons impérativement remonter dans la chaîne de valeur, sans toutefois concurrencer nos clients et partenaires imprimeurs. Nous avons par exemple lancé une collection de carnets de notes haut de gamme destinés dans un premier temps au secteur des entreprises (BTOB).
Enfin, la crise du Covid nous a mis en relation directement avec des élus et des organismes auprès desquels nous avons fait passer des messages sur les difficultés de notre secteur d’activités et en particulier sur le métier de relieur.
La crise a libéré la parole, raccourci les distances avec le monde des politiques et avec nos employés, qui ont été solidaires et impliqués. Je profite de cette prise de parole pour les remercier pleinement de leur implication.

 

Olivier Caratgé. Forges-Les-Eaux. Lundi 4 octobre 2021.